Rudy Rabathaly : bravo l’artiste !
Décidément : Rudy Rabathaly
est un homme modeste.
Rudy RABATHALY |
Rédacteur en chef ayant
réussi la modernisation de l’édition Martinique du journal France Antilles, Rudy RABATHALY
anime depuis bien des années une chronique hebdomadaire paraissant le samedi,
Pawol anba fey.
Pour ma part longtemps
je n’ai raté sous aucun prétexte sa parution du samedi, savourant avec
délice et admiration son talent pour saisir de manière si juste et si plaisante
le fond de l’âme du pays Martinique, un harmonieux "mélange" de français pimenté de créole.
Le voici maintenant nous
offrant un recueil de morceaux choisis de ses parutions hebdomadaires, témoins
d’une Martinique que je qualifierais de la fin du XXème siècle.
En voici un exemple :
Extrait
Toujou
sapé
« Arcadius est ce que l’on appelle un pwélè. Du
lundi au dimanche, ses chemises et pantalons sont èskanpé, ses souliers cirés
et une raie trace un sentier sur le côté gauche de sa tête astiquée de
brillantine. Depuis qu’il habite Ducos, la geôle, Arcadius a perdu un peu de sa
superbe. Si pour le pantalon et la chemise, il se débrouille pour qu’ils soient
toujours bien mis, par contre, pour sa raie sur le côté, il a un peu plus de
mal.
Il a peur de sortir sa vaseline devant ses compagnons
de cellule. »
Pawol anba fey de Rudy RABATHALY, Editions Jasor |
La municipalité de la ville
de Schoelcher en Martinique avait organisé le 8 février 2013 une séance dédicace précédée d’une lecture d’extraits
puis d’une présentation du livre par Jude DURANTY, Jean-Marc TERRINE et Serge HARPIN.
Une présentation dont le présent billet s’inspire largement.
Selon Serge HARPIN, le livre
nous offre une série de billets magistralement écrits, ayant l’avantage du
recul et la marque de l’autodérision ; dans Pawol anba fey, Rudy
Rabathaly pratique avec bonheur l’art de sublimer la banalité du quotidien, les
noms des ses acteurs (plus de 130) suggérant un univers populaire d’avant modernité.
Cet aspect d’autodérision m’avait
toujours séduit. Mais je dois avouer que j’avais sous estimé le travail et la
démarche à l’origine de cette belle vitrine du patrimoine martiniquais.
En effet, afin de produire
sa chronique hebdomadaire, Rudy Rabathaly prend chaque semaine l’autobus ou le
taxi collectif (en créole martiniquais taxico ou tombé lévé) puis nous en livre
en semi-direct, en journaliste de la presse écrite, le résultat. Ses prénoms qualifiés d’anciens (Fertilise…), il les
relève avec soin dans les rubriques nécrologiques et les avis d’obsèques
diffusés à la radio le matin.
Mais il y a plus : l’auteur
a réfléchi sur la langue et sa démarche vise à « être en adéquation avec l’imaginaire
du lecteur qui est fondamentalement créole et martiniquais ». Et il ajoute :
« Je crois davantage à une créolisation des écrits journalistiques qu’à
une créolographie d’un journal ».
"Je crois davantage à une créolisation des écrits journalistiques qu’à une créolographie d’un journal" Rudy Rabathaly
Décidément, Rudy Rabathaly
est un homme rempli de modestie : au fil des mois et des
années, il a su tisser la toile d’une tapisserie de l’imaginaire martiniquais.
Bravo l’artiste !
Schoelcher, Martinique, le 10 février 2103
Jean-Pierre MAURICE
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